#191 - Infos vs Divertissement
Heidi a publié un article très intéressant dans lequel l’auteur explique que l’info a déserté les réseaux sociaux. Même si l’on trouve toujours des médias de presse ou de la télé, c’est vrai qu’un virage a été pris au profit du divertissement, le symptôme le plus manifeste étant la montée en puissance de TikTok. Le journaliste explique que du point de vue des réseaux sociaux, l’info est une source à emmerdes. Dit plus poliment:
Le scandale Cambridge Analytica, les humiliations des sénateurs américains qui leur donnent des airs de mauvais garçons, quelques amendes salées, de nouvelles règlementations (comme le DSA dans l’Union européenne), ont fait prendre conscience aux patrons de la tech que l’information est un risque économique.
Plutôt que d’essayer de vérifier ou de modérer cette information, ce qui est difficile et ruineux, il s’avère infiniment plus simple et sans doute plus profitable de s’en débarrasser, au profit de contenus de divertissement ou publicitaires.
Le phénomène est plus grave qu’il n’y paraît, parce qu’une récente opération américaine de promotion de la presse a démontré à quel point l’info souffre d’un très sérieux problème de business model. Deux journaux locaux ont offert des abonnements gratuits à 2529 personnes. Seuls 2% ont accepté.
Même donnée, les gens ne veulent plus de l’info.
Plus inquiétant, les licenciements se succèdent Outre-Atlantique. Un article recense toutes les dernières annonces, qui comptent déjà plusieurs centaines d’emplois.
En ce qui me concerne, je trouve la thèse du journaliste intéressante et je pense qu’elle explique pourquoi le mood général a changé sur ces réseaux au point que je dise à plusieurs reprises que les “social media are dead”. En fait, je sens bien que ça se passe ailleurs et si tel est le cas, où?
Je n’ai pas de réponse précise, mais comme cela, en réfléchissant tout haut, je dirais qu’on se dirige vers un mix informationnel où l’on grapille l’info à droite à gauche sans qu’une plateforme ou un support domine les autres. Comme je l’ai dit en début d’année, je crois en réalité que nous essayons tous individuellement à mettre des limites parce qu’on suffoque. Je trouve qu’il y a une dimension intrusive très désagréable dans le paysage médiatique actuel. Même en nous coupant volontairement des infos, elles font leur chemin vers nous.
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Théorie de la com
C’est une hypothèse de travail que je vous soumets. En voici la teneur.
Proposition n°1: le digital a démocratisé la production de contenus
Proposition n°2: le niveau général a augmenté
Proposition n°3: le regard critique est devenu plus acéré
Comme le digital a démocratisé la production de contenus à tout un chacun, tout le monde est devenu un mini-expert médiatique. Chaque personne a désormais un regard plus critique sur les contenus qui sont publiés, que ce soit leur qualité rédactionnelle/visuelle ou leur parti pris “Ah là il tient un propos de gauche/droite ou anti-qqch”. Le grand public est capable de lire entre les lignes, on analyse ce qui est dit, on sent que chaque message n’est plus aussi neutre qu’il y paraît. Quand notre regard passe en revue les contenus d’un feed, il effectue un scan ultra-rapide où il analyse différentes données: émetteur, visuels, musiques, etc et au fur à mesure de ces scans, nous avons appris individuellement, selon nos propres critères, à débusquer le bullshit.
C’est que nous avons été habitués à être manipulés. Parfois gentiment, parfois grossièrement. Mais toujours est-il que j’observe désormais un effet très concret: les gens zappent les contenus devenus trop léchés parce qu’il sentent l’odeur du message orienté.
C’est particulièrement vrai des affiches publiées en photos (et donc en dehors de leur milieu naturel: les rues) et des animations de promotion voire des films super qualitatifs ou provenant d’influenceurs. Nous sommes tous de suite plus alertes, parce qu’on sent qu’on veut nous vendre quelque chose. Le contenu est immédiatement identifié.
Je crois donc que la tendance est à la spontanéité. Aux coulisses. Au mode direct sans comité qui phosphore sur trois variantes d’une campagne dans un obscur cabinet. Au contenu qui au premier abord peu paraître amateur, mais qui gagne en authenticité parce qu’il n’est pas passé par divers filtres de censure.
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Paradoxalement, si le niveau général a augmenté, nous faisons aussi face à un problème d’illettrisme auprès d’une population qui ne sait pas distinguer un email de phishing d’un email authentique. D’une vidéo d’un gif.
Et donc cette théorie, si elle est juste, ne s’applique qu’à la population la plus connectée, ce qui, si on la compare à ce que pouvait être le niveau de connaissances générales des médias il y a 40 ans, est beaucoup plus élevé.
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Some AI Shit
OpenAI a dévoilé son produit vidéo. Ecrivez quelques lignes et il vous pond une vidéo halluciante.
Pour voir toutes les exemples révélés, rendez-vous sur leur site.
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Le problème à trois corps, la forêt sombre et la mort immortelle
Il me reste quelques centaines de pages avant de finir cette trilogie que j’ai adorée. Même si on parle d’hard science, l’auteur réussit assez bien à vulgariser des concepts complexes. J’ai eu un immense coup de coeur pour le tome 2 qui décrit la théorie de la forêt sombre dont j’ai déjà parlé dans un précédent post et qui est dans le livre appliquée à un autre domaine.
Foncez!
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Wrapping up
💌 Une version en ligne de mes billets se trouve sur mon blog.
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Love,
-E