#182 - Be water my friend
Je suis tombé récemment sur cette théorie de socio proposée par l’intellectuel Zygmunt Bauman - la société liquide - et je dois dire qu’elle coche toutes les cases de compréhension de notre époque.
Qu'est-ce qu'une société liquide ?
Une société où, par exemple, ni le travail, ni l'amour, ni l'amitié ne sont plus des structures solides… où l’individu n’a pas le temps de consolider ce qu’il vient de vivre ou d’apprendre parce que c’est balayé par de nouveaux contenus/savoirs. Une société où l’éphémère a pris le pas sur le durable.
Je n’ai pas encore eu le temps de lire en détails l’oeuvre de ce sociologue mais elle rejoint certaines notions que j’ai abordées dans cette newsletter. Je suis donc méga méga intéressé par cette théorie et suis en même temps surpris que les médias n’en parlent pas plus largement.
Voici comment certains thèmes qu’il a expliqués depuis longtemps rejoignent certains numéros de cette newsletter
#70 → l’individu est livré à lui même et doit se penser comme une mini PME, parce que le néo-libéralisme a poussé la société dans ce sens, c’est à dire la liberté de l’individu poussée à l’extrême, au détriment des grandes institutions.
Petit à petit donc, sans le dire vraiment, la charge sur l’individu qu’on pourrait appeler personal load ne fait qu’augmenter au point qu’il faille se penser comme une petite entreprise, comme une PME. Et dans l’affaire, il y a un perdant: le célibataire. Car, en couple la répartition peut être faite entre les deux personnes, tandis que seul, il faut tout gérer.
#94 → le manque de fermeté sur laquelle nous évoluons
De mes lointains cours de latin au collège, je me rappelle très bien des enseignements (les rares qui me restent…) de Mme Castioni, ma prof de latin. Les Romains étaient des conservateurs acharnés et tout ce qui était nouveau était considéré comme louche.
La nouveauté, c’est les sables mouvants. A peine a-t-on stabilisé son assise qu’on s’enfonce et devons catch up sur les nouveautés… Il n’y a jamais de stabilité, plus aucune certitude, car tout est en permanence remis en question.
#149 → l’individu obsédé par sa propre obsolescence
L’oeuvre de Zygmunt Bauman se penche en particulier sur la consommation et l’obsolescence de l’individu (comme on jette un déchet) vécue comme une hantise.
Ce que je me dis actuellement, de manière un peu simpliste je l’admets, c’est que l’être humain est devenu obsolète dans bien des domaines. Finalement, contrairement aux craintes véhiculées dans de nombreuses oeuvres de science fiction (Terminator par exemple), l’IA ne va pas nous liquider. Juste nous rendre obsolète. Et c’est peut-être plus dramatique encore.
#179 → Le Vapor Web ou web qu’on ne peut plus saisir car trop mouvant
Ryan Broderick explique que la quantité de contenus continuant de croître, nous ne sommes plus en mesure de former une compréhension cohérente de ce qui se passe en ligne. C’est ce qu’il appelle The Vapor Web.
Je me réjouis donc de lire ses livres pour mieux saisir tout ça.
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Accélerationnistes vs Décélerationnistes
OpenAI nous a gratifié d’un drama comme on en avait pas vu depuis longtemps, mais a surtout mis en lumière la dualité entre accélerationnistes et décélerationnistes, les premiers voulant profiter de la vague pour aller plus loin plus vite tandis que les autres, au contraire, dans une approche humaniste souhaitent évaluer les effets de leur création avec soin. Il se trouve que les accélérationistes ont gagné la manche ce qui m’a fait penser à ce que j’écrivais sur la question quand ChatGPT a été mis à disposition du public:
Je pensais que le modèle actuel n’était pas sustainable. On croule sous l’information, on ne sait plus comment la gérer, il y a une fatigue informationnelle visible un peu partout. On se dit donc qu’il faudrait mettre le hola…
Je ne suis pas le seul à le penser, dernièrement, le Time nous invitait à la fermer.
Même si nous sommes conscients que le système montre ses limites et que tout ça n’est pas très sain, nous allons plus loin encore, assistés cette fois par les algos, car tout porte à croire que cette puissance nous aidera au quotidien pour prémâcher le nombre d’infos que nous recevons, la synthétiser et la résumer en bullet points pour in fine, en consommer plus encore.
Il ne faut pas se faire d’illusions. Nous allons vers toujours plus de techno qu’on le veuille ou non. Resistance is futile. Quand à se demander si c’est toujours justifié… please…! Ce discours anti-techno n’est absolument pas audible, parce que les politiques ont compris que pour se faire élire, il convenait d’avancer dans le domaine. Pas que les politiques d’ailleurs, mais la société en général qui refuse d’avoir un regard un temps soit peu critique.
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Wrapping up
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-E