#189 - Youtubers are burning out
Plusieurs Youtubeurs proéminents ont annoncé ralentir leur rythme. Dans certains cas, ils arrêtent définitivement leur activité… Le phénomène touche surtout les anglosaxons mais aussi les francophones. Ainsi, a-t-on appris il y a plusieurs mois que McFly et Carlito prenaient une pause, pareil pour Squeezie et même Lena Situations (de retour désormais).
MKHBD (qui fait partie de la crème de la crème) s’exprime sur le sujet de manière intéressante.
La création sur internet, en particulier la vidéo, requiert une panoplie de compétences assez dingues pour des retours plutôt faibles dans un environnement hyper compétitif car mondial. A cela s’ajoute, comme il l’explique très bien, un surcroît de travail administratif, de veille, parfois de management et de stratégie qui accroît la charge de travail.
Tout travail, surtout quand il s’avère être une passion, pose la question de la gestion de l’effort. On peut se donner à fond pour produire tel ou tel contenu, mais ce qui importe dans ce métier, c’est de tenir sur la longueur. On court un marathon, pas un sprint. On ne devient pas connu parce qu’on produit une seule vidéo, mais quantité d’entre elles qui font effet boule de neige.
Quand on a en charge une communauté, on doit avant tout envoyer des signes d’attention. Pas une fois tous les 6 mois. La régularité fait la différence sur la qualité. Cela me fait penser à ce livre que j’avais lu étant plus jeune, les hommes viennent de mars, les femmes de Venus. Les auteurs y expliquent les conceptions très différentes de l’attention entre masculin et féminin. Les hommes ont tendance à miser gros sur un ou deux coups par année, en prouvant tout leur amour sur une opération massive genre week-end à Florence, avec hôtel, resto, soirée spéciale et tout le tralala tandis que les femmes préfèrent plein de petites attentions au quotidien. Bien sûr elles ne crachent pas sur un week-end à Florence… mais ce n’est pas ce qu’elles attendent, d’où un énorme malentendu quand elles les quittent alors que le mec s’est mis en quatre pour un voyage exclusif.
Une communauté réagit comme une femme de ce point de vue. Il lui faut du contenu régulier. Tout l’enjeu consiste à pouvoir maintenir l’effort sur une longue période. La création vidéo est la plus dure à maintenir car très intensive en travail. A ma toute petite échelle, j’ai eu envie plein de fois d’arrêter cette newsletter. Si je continue, c’est pour la simple raison que les réflexions que je nourris ici me sont utiles à mon job et m’intéressent. Surtout je me contrains à un regard critique qui me force à prendre du recul pour ne pas être un simple consommateur qui suit les tendances, car si l’on agit ainsi, on transforme sa propre vie sans s’en rendre compte, et de manière massive.
Dans un podcast récent, un journaliste interviewe un membre de sa famille âgé de 80 ans. Cet homme n’a jamais utilisé internet ni possédé de téléphone portable. Le journaliste lui demande alors comment il fait pour vivre avec une espèce de sidération pour ce personnage qui n’a jamais eu la curiosité de voir à quoi ça ressemblait. Et au fur et à mesure de la discussion, il se rend compte que la vie décrite par ce vieillard, il l’a connue lui aussi mais qu’aujourd’hui elle lui paraît totalement étrange. Il réalise alors le chemin qu’il a parcouru par tous ces petits changements incrémentaux que les nouvelles technologies ont porté à sa vie au fur et à mesure qu’elles se sont installées. Tous les deux s’observent alors comme des OVNIs ne comprenant pas le style de vie de l’un et de l’autre.
Je ne suis pas sûr que je continuerai toujours cette newsletter, je pense de plus en plus qu’internet est actuellement dans une phase auto-destructrice, dans le sens où Internet ne vit que par les contributions des internautes, mais que ceux-ci voyant le peu de retour qu’ils rencontrent par la compétition exacerbée, se disent, à quoi bon?
C’est la tyrannie de la société liquide, où, de tout ce que vous faites, rien ne reste, ou si peu. Ce qui vous contraint à augmenter le rythme pour laisser une marque qui ne cesse de se réduire dans une espèce de fuite en avant qui renforce le problème. Jusqu’à ce qu’on fasse le froid calcul du rapport entre efforts consentis et retours sur investissement.
Tout cela pour dire que si les Youtubeurs sont les plus exposés, je parie une petite piécette sur une fatigue latente bien plus générale, qui ne concerne pas que les Youtubeurs, mais tous les internautes extremely online. Pas sûr du tout qu’ils reviennent tous et s’ils le font, ce sera avec un recul sur la chose.
Dans une intervention récente à la tv française, Laurent Delahousse esquisse le problème de notre époque: le monde va plus vite que notre capacité à le digérer.
et alors, bien conscient de la dissonance cognitive, je pense à la fois que ce modèle ne peut que s’effondrer tout en sachant pertinemment que ça va s’accélérer encore avec l’IA.
Dans ce contexte, la lecture et la marche sont les seuls antidotes que j’ai trouvés, parce qu’ils nous contraignent à adopter le rythme que notre corps et esprit peuvent soutenir. Ce sont des activités humainement compatibles.
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Le mystère Argylle
Le mois prochain, sort au cinéma un nouveau blockbuster, nom de code: Argylle. Tout ce qu’on sait pour le moment, c’est qu’il s’agit d’un film qui raconte la vie d’une auteure qui écrit des romans d’espionnage.
Si je vous en parle, c’est parce que le livre du même titre est sorti trois semaines avant la sortie du film. Je l’ai acheté et lu. L’histoire du livre n’est pas exceptionnelle, elle raconte l’aventure d’une équipe style “Mission impossible” à la recherche d’artefacts que des nazis ont caché quelque part en France en mode Indiana Jones.
Après quelques recherches, le livre et le film sont donc deux histoires distinctes. Le livre raconte une pure histoire d’espionnage, le film se focalise sur l’auteure aux prises avec le monde qu’elle décrit dans ses livres.
Mais si on creuse, tout cela semble un peu suspect.
Elly Conway (l’auteure) ressemble à un fake. Un compte instagram existe bel et bien à son nom mais très récent et bon… pas très crédible parce qu’on ne voit jamais son visage. Surtout, il s’agit de son tout premier livre publié - qui plus est, déjà traduit dans plusieurs langues! - et que le film sort quelques jours seulement après. En principe, un film est produit lorsqu’une base de lecteurs solide atteste du succès de l’histoire.
Très très bizarre.
Certaines rumeurs sur le web circulent laissant entendre que la réelle auteure serait nulle autre que Taylor Swift, la célèbre chanteuse qui aurait utilisé un pseudonyme. Et là, attention, on parle de la personne ayant le plus grand fandom, donc d’un potentiel audimat de dingue.
Vous voyez où je veux venir, tout cela ressemble à une opération marketing d’un genre nouveau pour faire monter la hype autour du film. A quelques semaines de sa sortie, ça ne semble cependant par prendre. Est-ce que pour autant, Hollywood tenterait quelque chose de nouveau, c’est à dire d’investir le monde du livre pour assurer la réussite financière de leurs productions mises à mal depuis que le streaming s’est imposé.
Matt Damon expliquait pourquoi Hollywood prenait de moins en moins de risques. Avec la fin des DVDs, les boîtes de production ont perdu des revenus indispensables aux financement de grands films tels que nous les avons connus par le passé. En proposant un livre s’inscrivant dans l’univers décrit dans le film, Hollywood retomberait sur ses pieds. Encore faudrait-il que le livre soit suffisamment qualitatif… et ce n’est pas le cas ici.
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La conférence de presse
J’ai regardé avec intérêt la conférence de presse d’Emmanuel Macron la semaine passée. Un passage en particulier m’a surpris en bien (à 1:00 précise), quand il parle de société liquide. J’ai dit “oui, monsieur!”.
Le diagnostic me semble juste puisque j’en parle depuis plusieurs semaines. Les solutions restent à éprouver. Je me demande comment il va mettre en oeuvre cette histoire de contrôle des écrans, restée très très vague. ça me semble insoluble car tout un système essaie de mettre à bas l’Etat pour assurer un capitalisme forcené, lequel passe par ces écrans. Au moins aura-t-on nommé les choses.
Scaling back a lil bit, je suis en revanche consterné par cette “grande initiative citoyenne”. Si on regarde plus en détails, il a juste changé de premier ministre qui devient une espèce de super coordinateur entre les autres ministres et s’est contenté d’une conférence de presse qui ne laissait place à aucune relance. Bref, pas très fan de la formule qui a monopolisé toutes les rédactions alors que franchement, c’était un peu ridicule. Parfois on se perd dans l’accessoire. La preuve en est que la nouvelle Ministre de l’éducation est enlisée jusqu’au cou.
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Wrapping up
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-E