#154 - saying good bye to web 2.0
J’ai découvert Facebook en 2007 alors que je me trouvais au Canada. Une étudiante qui était assise à la rangée devant moi consultait un site que je trouvais esthétiquement assez beau. Il s’agissait de Facebook. Nous étions en mai de cette année-là, le réseau se démarquait par son minimalisme à une époque où les sites étaient plutôt laids, voire bordéliques. Je l’ai vite adopté mû par une curiosité réelle; c’est que nous étions arrivé à une fin de cycle avec le web 1.0. Nous avions fait le tour, j’irais presqu’à dire que nous nous faisions chier, que nous avions besoin de nouveautés. L’arrivée des réseaux sociaux nous donnait cette bouffée d’air frais si nécessaire pour renouveler notre intérêt.
En parallèle, Apple lança l’iPhone qui marquait le coup d’envoi du mobile. Cette révolution-là, je l’ai totalement manquée parce que j’avais un apriori très négatif sur tout ce que la marque produisait. J’ai démarré sur Android et puis migré sur Apple ensuite. Peu importe la marque, le mobile et les réseaux sociaux ont tous deux, conjointement, façonné le web 2.0. On peut dire qu’ils ont même éclipsé le web 1.0. Tout passe par les grandes plateformes et l’usage depuis les mobiles a explosé. Si le web 1.0 a certes subsisté, - nous avons toujours des sites web traditionnels, nous recevons toujours autant de mails et les bloggueurs continuent leur petite entreprise bon gré, mal gré -, le web 2.0 a refaçonné le web sous ce nouveau prisme “social + mobile” dans un mouvement de centralisation assez unique.
Jusqu’au 30 novembre 2022, date de lancement de ChatGPT.
Ce que le web 2.0 a fait au web 1.0, c’est à dire le rendre irrelevant, est probablement ce qui se déroule maintenant avec l’émergence de l’IA. L’IA est en train de rendre irrelevant le Web 2.0 (et avec lui le Web 1.0). Nous entrons dans une nouvelle ère qui va refaçonner le web entièrement sous ce prisme nouveau. A quoi cela ressemblera-t-il? je l’ignore, mais il est possible que même si les réseaux sociaux et le mobile demeurent, ils ne seront plus le centre du web.
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It’s moving fast
ChatGPT4 est la dernière version de ChatGPT. Midjourney en est à sa version 5. Runway (vidéo) à sa version 2. L’amélioration en un an pour Midjourney (mais aussi pour les autres services) est stupéfiante. On en était qu’à la version 2 de ce service en avril 2022.
ça devient difficile à suivre, même en étant curieux et geek.
Pour récapituler:
ChatGPT = textes
Dall-e, Midjourney, StableDiffusion = images
Runway = vidéos
Sur ces couches, viennent se greffer des services tiers. Par exemple Copilot de Microsoft qui combine la puissance de ChatGPT avec vos données (votre Microsoft Graph). Donc:
ChatGPT + Microsoft Graph (vos données) = Copilot.
Pour ne rien aider, une cohorte de nouveaux termes et acronymes s’imposent dans le débat, comme LLM, ou Large Language Model. Il s’agit d’une IA qui a été entrainée sur un corpus de textes très volumineux. On parle de multimodal pour désigner la capacité de manipuler tout aussi bien du texte, des images et d’autres formes de contenu pour en générer d’autres, de diverses natures. On parle de synthetic media pour tous les medias produits par une IA.
Bref, on a à peine le temps de se familiariser avec ces nouveaux outils qu’ils évoluent déjà. Difficile d’avoir des repères dans un environnement aussi radicalement différent en termes d’interface mais aussi en termes de fonctionnement. A ma petite échelle, je n’ai toujours pas bien compris comment ça fonctionne dans les coulisses. Ok, ils ont pris des milliers de textes pour “nourrir” une IA et ils se servent des statistiques pour produire de nouveaux contenus, mais ça reste très nébuleux.
Pop quizz
Question à mes lecteurs et lectrices: Est-ce qu’on peut parler de Singularité? Wikipedia donne la définition suivante:
La singularité technologique (ou simplement la Singularité) est l'hypothèse selon laquelle l'invention de l'intelligence artificielle déclencherait un emballement de la croissance technologique qui induirait des changements imprévisibles dans la société humaine1.
A la base je cherchais à savoir si un mot désignait notre incapacité à suivre les évolutions et appréhender une nouvelle technologie, parce que ça va trop vite. Et puis… je me suis rappelé du mot Singularité…
Alors que j’avais écrit ces lignes, un appel de 1000 leaders de la tech dont Elon Musk appellent à une pause, parce que cette IA va avoir des conséquences dramatiques sur l’humanité. Guys… c’est comme bombe nucélaire. Une fois que c’est là, il faut faire avec.
The Pope broke the internet
C’est dingue comme cette expression “break the internet” vieillit mal. Quoi qu’il en soit, vous l’avez sûrement vue, je veux bien sûr parler de l’image du Pape portant une parka façon Balenciaga.
Elle a fait le tour du web et beaucoup d’entre nous se sont faits piégés.
Ryan Broderick explique que c’est le premier cas de désinformation massive dû à l’IA. ça a fonctionné parce que les habits du Pape sont souvent stylés et hors des normes usuelles. Du coup, ça paraissait crédible. Et ce n’est que le début.
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Series
Extrapolations
Scott Z. Burns avait déjà prophétisé la pandémie en écrivant le scenario du film Contagion. Une Américaine en voyage d’affaire à Hong Kong tombe soudainement malade; elle meurt en quelques jours d’un mal inconnu. C’est le début d’une pandémie lors de laquelle on voit l’OMS, les pouvoirs étatiques et la société bien mal préparés face à un virus issu d’une chauve-souris. L’histoire écrite en 2011 devient réalité en 2020.
Ce scénariste remet le couvert avec une série d’anthologie (une saison) au doux nom d’Extrapolations (Apple TV+). Nous sommes en 2037, et suivons le parcours de différents personnages aux prises avec le changement climatique, parfois avec des sauts de plusieurs années pour constater l’évolution de la situation. La vie sur la Terre est devenue plus pénible et l’être humain est dépassé par les conditions climatiques. Les feux sont le lot quotidien des zones les plus exposées, l’air est irrespirable et le capitalisme toujours aussi cynique. D’une certaine manière, ces générations-là ont admis qu’il n’y avait plus grand chose à faire. Sans sombrer dans une hystérie généralisée (attention il n’y a que 5 épisodes disponibles quand j’écris ces lignes), ils semblent tous accablés d’un défaitisme qui ne dit pas son nom. Chacun sait que c’est la merde, les humains n’ont plus l’initiative, ils subissent. Les quelques épisodes disponibles sont assez inégaux, mention spéciale pour le deuxième et le quatrième (surtout le 4e, exceptionnel)!
C’est probablement ce qui nous attend. Un long et pénible déclin tel que l’explique David Wallace-Wells dans La Terre Inhabitable (cet article est un condensé du livre). Les conditions de vie seront chaque année un peu plus dures, certaines populations beaucoup plus impactées que d’autres. Le feu prédominera ainsi que l’air irrespirable (on le voit dès le premier épisode) tandis que les espèces s’éteigneront les unes après les autres (deuxième épisode).
Une série difficile à regarder donc mais intéressante pour voir différents acteurs se débattre dans cette débâcle, les activistes pro-climat, les Nations unies, mais aussi les hyper riches. Comme dans Contagion, nous ne suivons pas un-e héro-ine mais plusieurs personnages dans des situations qui les dépassent.
Cette série est d’ailleurs servie par un casting de dingue.
MH370: l’avion disparu
Netflix consacre une série documentaire en 3 épisodes sur le mystère de l’avion disparu. La série revient sur les faits, puis présente les différentes théories. Tout en restant un documentaire, la narration adopte un ton thriller sacrément bien foutu. On est hooked du début à la fin, tellement tout est dingue dans cette histoire.
OBX
Le guilty pleasure par excellence. Outer Banks est une série d’ado que j’assume regarder. Elle est sortie en pleine pandémie, du coup, voir ces jeunes vivre une aventure certes improbable faisait du bien. C’est un mélange d’Hartley coeurs à vif (une bande de jeunes) et Goonies (quête au trésor). Si j’ai bien aimé les deux premières saisons, la troisième est un peu en deça car elle tourne un peu en rond. Reste qu’on aime bien suivre les aventures de ces jeunes, c’est étonnement assez rafraichissant pour un vieux comme moi…
Books
La dernière chose qu’il m’a dite, un page-turner dont la fin falls short. Un homme disparaît en laissant un mot mystérieux, laissant sa fille et sa nouvelle femme dans l’expectative. Toutes deux (fille et belle-mère) mènent l’enquête pour savoir ce qu’il est devenu. Si le livre nous tient assez bien en haleine, je trouve la fin un peu décevante… (nb: une série AppleTV sortira ce printemps)
❤️ Enorme coup de coeur pour L’homme qui marche et Le gourmet solitaire de Jiro Taniguchi. Il ne passe pas grand chose dans ces deux bandes dessinées japonaises, mais c’est là tout l’intérêt. L’auteur parvient à nous faire redécouvrir les plaisirs simples de la vie dans des petites scénettes faites de spontanéité, de simplicité et de contemplation. J’ai préféré Le Gourmet solitaire parce qu’on y découvre aussi la culture et gastronomie japonaises. Petit plus qui n’enlève rien au plaisir: l’édition de Casterman de sa collection Ecritures est très réussie.
NB: Si j’ai adoré, je reconnais que ça ne plaira probablement pas à tout le monde.
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson. Comme pour la Panthère des neiges, je reconnais du talent à Sylvain Tesson mais ne suis pas un grand adepte du style. J’ai l’impression - sans doute à tort - qu’il est trop dans la recherche de punchlines, certes bien senties et bien trouvées, mais… on sent un peu la ficelle. On retrouve les mêmes thèmes, néo-agités, obésité, etc. Je compte néanmoins aller voir le film au cinéma.
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A chacun son psychodrame
La France incapable de réformer, la Suisse contrainte une nouvelle fois de sauver une banque … chaque pays semble aux prises avec ses propres démons. Longtemps, nous étions contents (je suppose) d’un système financier qui avait fait la richesse et la fierté (plutôt réputation on va dire) de notre pays. Et puis, ces mêmes banques ont pris la grosse tête, elles se sont embarquées dans la mondialisation et ont voulu devenir des acteurs incontournables sur le plan international. Quelque part, nous sommes sortis de ce qui fait des Suisses, des Suisses… c’est à dire la modestie. Ces banques ont visé grand, ça n’a jamais vraiment été la culture dans notre pays. Et on le paie. On paie les erreurs d’une petite caste qui a pêché par hubris. Au même moment, les cryptos pumpent parce qu’elles ont justement été créées pour tourner la page bancaire. L’invention du Bitcoin, au lendemain de la crise de 2008, est en partie une sortie de ce système. Inflation, rendements très faibles, frais bancaires exorbitants, banques qui se cassent la gueule… tout concourt à propulser les cryptos alors même qu’elles souffrent elles aussi de leurs propres travers. C’est dire à quel point le système financier actuel semble vermoulu.
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Correctif
Dans ma dernière newsletter, je me demandais où les partis politiques genevois avaient fait campagne. Un lecteur assidu m’a fait remarqué que c’est devenu très compliqué de faire des publicités politiques sur les réseaux. Excellente remarque et donc mea molto culpa! Cela étant, même en excluant les pubs, je n’ai pas vu grand chose. Les contenus doivent être filtrés par l’algorithmic wall, c’est à dire qu’ils ne parviennent pas à se faufiler organiquement dans les fils des uns et des autres parce que trop “sages”. Comme la prime est à la radicalité, au WTF et au choquant, les partis (mais ils ne sont pas les seuls) sont inaudibles parce qu’ils ne peuvent pas adopter ce langage.
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In other news
Même la Radio s’y met… Une radio aux US utilise ChatGPT pour scanner les sources locales de news et produire des scripts. Des personnalités IA les énoncent ensuite On Air.
Je vous disais dernièrement, la concurrence s’organise pour dépecer le cadavre de Twitter… well, guess what… Facebook va sortir son alternative centrée sur le texte.
Comment les réseaux sociaux meurent? tldr: quand ils se font racheter par des gens qui ne comprennent pas les communautés qui les peuplent.
Définition de la semaine: uninfluencing. Quand les gens font des contenus pour dire qu’ils regrettent un achat…
Apple lance une app de musique classique … Un thread intéressant explique pourquoi le classement de la musique classique est particulièrement complexe. Entre le compositeur original, une performance contemporaine, les versions live, ou pas… bref… also: why Apple??
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Wrapping up
💌 Une version en ligne de mes billets se trouve sur mon blog.
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Love ❤️,
-E