#26 - Indigestion
Pasqua avait une stratégie assez visionnaire quand il était poursuivi en justice. Il démultipliait les affaires - ce qui à première vue paraît contre-productif -, pour que plus personne n’y comprenne rien. Sarkozy, en bon disciple, s’en servit avec ses récents déboires. Entre Bygmalion, la Lybie, les soupçons de corruption, plus personne n’y comprend rien.
Etrangement, c’est à peu près ce que nous vivons de nos jours. Inondés d’informations du matin au soir, on ne comprend plus rien. Le manque de sens dans ce que nous faisons mais aussi dans le monde dans lequel on vit est de plus en plus marqué.
Il y a quelques années, j’avais lu un article assez intéressant. Son auteur comparait ce que nos cerveaux vivent à des attaques DDoS. Ces dernières sont utilisées pour faire tomber des servers ou les rendre inaccessibles en leur envoyant des requêtes non stop jusqu’à ce que le server cède (ou à cause d’un volume si élevé qu’il n’y a pas les ressources pour les processer), ne pouvant plus gérer ce flux.
Nos cerveaux n’ont pas la capacité d’encaisser non stop des signaux. Il leur faut du temps pour digérer et respirer, mais le web de son côté s’est organisé pour que nous fassions tout le contraire. De longs articles de plusieurs centaines de signes, nous sommes passés à des contenus beaucoup plus courts qui se consomment plus rapidement et plus frénétiquement, car l’investissement est faible. Ce contenu ne nous plaît pas? nous zappons au suivant, il y a bien un moment où nous tombons sur quelque chose qui nous plaise ou suscite notre intérêt. Et sans nous en rendre compte, nous nous épuisons à en prendre connaissance, mais à quelle fin?
Il y a trente ans, les médias détenaient le monopole de l’information. Radio, presse et télévision se partageaient le gâteau; ils constituaient l’ensemble des sources à notre disposition. Cette réalité me semble bien lointaine…et j’ai l’impression que nos équilibres émotionnels étaient autrement plus sains.
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Comment jugguler cette surcharge?
Bon alors je n’ai pas de solution toute faite, mais une intuition que je partage avec vous. Il faut aménager des moments dans la journée pendant lesquels notre cerveau ne consomme rien pour qu’il se repose, de la même manière que nous posons un verre d’eau après 15 minutes parce que le bras fatigue. Nous ne le faisons pas, parce que le cerveau ne nous envoie pas de signal de fatigue. Il dégrade ses performances jusqu’à ce qu’un jour, nous ne puissions plus nous lever.
ça s’appelle un burnout.
Dans “l’art de la victoire”, Phil Knight (patron et fondateur de Nike) raconte qu’à un moment, il devait courir tous les jours 10 km pour ne pas sombrer. Il explique que l’activité physique constitue une soupape essentielle, car pendant ce temps le cerveau n’est pas mobilisé, ou si peu.
Quand on y réfléchit, rares sont les moments où ce dernier a la paix. Je n’en vois que trois (et encore):
le sommeil;
la douche;
les repas entre ami-e-s.
Et donc l’activité physique. ça fait peu.
Il y a bien longtemps j’avais un ami qui avait l’habitude de me dire que ne rien faire, c’était déjà faire quelque chose. Je roulais des yeux en entendant cette réponse, mais il avait raison sans le savoir. Quand on ne fait rien, on digère mentalement.
Finalement, le parallèle fait à nos régimes alimentaires reste le meilleur.
Un temps pour manger;
Un autre pour digérer;
Un autre enfin pour dépenser ou éliminer.
A la lumière de cette comparaison, on réalise plus facilement l’absurdité de notre quotidien; manger 16 heures sur 24 est impensable.
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Depuis que nous avons adopté ce nouveau régime, les livres sur les intestins pullullent. “le charme discret de l’intestin” est un best-seller qui a marqué la décennie. Quand le ventre ne fonctionne pas, il nous envoie le signal que quelque chose cloche dans notre vie. Il veut toute notre attention, il se fait ressentir.
Tout comme manger des chips non stop, les informations que nous ingurgitons ont de réels effets sur notre bien-être.
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Jojo Rabbit
Je suis allé voir à reculons cette comédie grinçante. Le burlesque que j’y avais attaché (à tort), le pitch qui en était souvent fait, ne m’avaient pas conduit à le voir. Puis, après plusieurs recommendations d’amis, je me suis laissé convaincre. Et ça valait vraiment le coup, le film est excellent, même touchant. J’avoue malgré tout que les 15 premières minutes m’ont un peu fait peur. Qu-est-ce que je fous là? mais ça passe assez vite.
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Pas de liens cette fois-ci, mais je vous dis à la semaine prochaine.
Love,
-E