#207 - Roadtrip sur la riviera turque
Voilà plusieurs années que je caressais l’idée de faire un petit roadtrip sur la côte égéenne turque. Pour ceux ou celles qui ne le savent pas, j’ai en effet quelques origines turques, puisque mon père est kurde de Turquie. Sans vraiment avoir baigné dans cette culture, j’étais curieux de visiter une partie de mes origines. Ma famille paternelle vient de l’Est du pays (mon nom de famille veut dire en turc “fait de grenade (le fruit)” )et ayant déjà fait Istanbul et la Cappadoce, la riviera constituait une suite logique. Je me suis enfin lancé, combinant un séjour de visites culturelles et de repos, avec des haltes dans 4 villes et autant d’hôtels aux styles très différents. Avec des coups de coeur et au contraire certaines déceptions. J’y reviens tout de suite.
Avant le départ
Cet intérêt pour la côte turque est né d’une lecture, Le Royaume d’Emmanuel Carrère, qui raconte la naissance du Christianisme au travers de deux figures, Paul et Luc. Lors de ses recherches spirituelles, Emmanuel Carrère a fait plusieurs séjours sur la côte turque, notamment dans le petit village de Selimiye (presqu’île de Marmaris). Paul et Luc ont tout deux plus ou moins rayonné dans le pays pour diffuser la foi. Bon… Je ne suis pas croyant et pas vraiment porté par la religion, mais cette diffusion m’a toujours fasciné, racontée qui plus est avec le talent d’Emmanuel Carrère. Plus tard, j’ai découvert qu’on pouvait faire un long trek sur toute la côte ou “lycian way” que je rêvais de faire et qui s’étend grosso modo de Fethiye à Antalya. Ayant déjà randonné sur la via alpina en 2016, j’en avais gardé de très beaux souvenirs que je me voyais déjà reproduire en Turquie. ça sera pour une autre fois.
Il était évident qu’il me fallait une voiture, c’était en quelques sortes un petit blocage, me méfiant de la circulation en Turquie. J’ai regardé quelques youtubeurs qui m’ont vite rassuré.
L’idée consistait à commencer par les visites culturelles pour se laisser aller dans une seconde phase du voyage. ça ne s’est pas tout à fait passé comme cela…
Ephèse
Je pouvais atterrir à Istanbul et louer une voiture de là, pour rouler jusqu’à Selçuk, ville la plus proche d’Ephèse qui n’est en réalité qu’un site archéologique. Ephèse n’est plus une ville, mais juste un site archéologique. J’ai préféré me rapprocher le plus possible en avion, en atterrissant à Izmir évitant ainsi le trafic d’Istanbul et la route assez conséquente (6h de mémoire). Je suis arrivé à Izmir vers 18h, j’avais encore 1h de route à faire après avoir récupéré la voiture. La nuit tombait… Je n’étais pas très rassuré mais la route s’est bien déroulée, même si les règles de conduite sont laissées à l’appréciation de chacun, surtout en plein rush hour 😅. A noter qu’un GPS est indispensable. J’ai tout fait avec le Google Maps de mon smartphone. ça suffit amplement et couplé avec l’e-sim de Revolut, ça fonctionne picolo bello. Avant de partir, j’avais en effet contracté une e-sim de 100go de données pour 60 jours en Turquie (30.- de mémoire, les tarifs varient selon le pays de couverture). C’est largement plus qu’il n’en faut et ça marche vraiment très bien.
Le lendemain, on me conseille d’aller à Ephèse soit très tôt le matin, soit en fin de journée, vers 18h, quand les touristes repartent sur leurs bateaux de croisières, avec un petit bonus, les sites illuminés dans la nuit. Cette dernière option m’a convaincu, me permettant de visiter un peu Selçuk. C’était jour de marché, et oh boy… on parle là d’un vrai marché, avec toutes sortes de légumes, de fromages, d’olives et autres denrées. Rien à voir avec ce qu’on a en Europe. La ville en elle même n’a pas beaucoup d’highlights si ce n’est le château de style médiéval dont il ne reste que les murailles et quelques ruines antiques. Non loin de mon hôtel se trouvait tout un secteur de petits cafés gentrifiés où l’on se prélasse volontiers dans le calme.
Puis, en fin de journée, je suis donc allé voir ce fameux site d’Ephèse. Il faut savoir que la “ville” est le site antique archéologique européen le plus grand et le mieux conservé d’Europe. J’aurais misé sur Pompéi mais Lonely Planet affirme le contraire. Je ne sais pas quelle est la fréquentation en journée, mais elle restait assez élevée en fin d’après-midi sans être rédhibitoire. L’entrée s’élève à 40 euros, pour un site qui a le niveau de qualité européen en termes d’attraction muséale. A l’intérieur, on se promène librement dans cette ancienne cité positionnée entre deux collines. Il est préférable d’entrer par la porte Magnésie même si ça ne change pas grand chose au final. Le clou du spectacle est bien entendu la façade de la bibliothèque Celsus remarquablement conservée.
Ephèse abritait également l’une des 7 merveilles du monde, le Temple d’Artémis dont il ne reste malheureusement presque rien. D’autres vestiges méritent néanmoins le détour.




Le ticket comprend un accès au Ephesus Museum Experience que j’ai trouvé très sympa. Vous entrez dans plusieurs salles successives. Dans chacune d’elles, une animation assez impressionnante vous raconte les temps forts de la cité via un audioguide qui vous est fourni (et indispensable!).
Ici un autre exemple.
L’ensemble du site fut assurément l’un des highlights de ce roadtrip.
Le lendemain, je suis parti à Pamukkale à environ 300 bornes de mon hôtel pour visiter les fameuses terrasses de travertin blanc auxquelles jouxte la ville antique de Hierapolis.
J’avoue que la visite m’a un peu déçu. Chère, logiquement très visitée et seules quelques rares terrasses étaient remplies d’eau.
L’entrée du site donne accès à la “piscine antique” qui n’a à mon avis d’antique que le nom et aux autres vestiges de la ville Hiérapolis dont le remarquable amphithéâtre.
S’il est techniquement possible de descendre les terrasses de travertin blanc jusqu’à Pamukkale, la surface est super glissante. A noter que le site donne lieu à quelques scènes un peu ubuesques. On voit des gens en maillots de bain d’abord se baigner dans la piscine antique. C’est une vraie piscine, donc pas de souci, mais au milieu d’un site archéologique ça fait un peu bizarre. On retrouve après les mêmes goger dans les travertins blancs même si la plupart des gens ne font que tremper leurs pieds… Bon… Pourquoi pas! Même si j’ai été un peu déçu je suis content d’avoir fait ce petit détour. Je n’aurais probablement pas d’autres occasions d’y aller.
Le lendemain, je reprenais déjà la route pour la suite, à Bodrum.
Bodrum
Bodrum n’est pas tout à fait ce que j’imaginais. La ville fait penser un peu au Saint-Tropez turc, le côté bucolique en moins. A l’origine, il s’agissait d’un petit village de pêcheur qui est désormais en voie de bétonisation massive. Dès qu’on entre sur la presqu’île en voiture, on sent tout cet hustle and bustle permanent qui me sature assez vite. L’hôtel dans lequel je résidais était bien, dans le sens, très moderne, chambre confortable, deux restaurants certes onéreux mais très généreux dans les portions. En revanche, une route sépare l’hôtel de la plage, je le savais mais j’espérais qu’elle ne fut pas trop empruntée, et surtout une plage riquiqui sans grand charme.
Je suis allé à Bodrum visiter la ville puisque je résidais à l’extérieur. Comment vous dire… c’est tout ce que je n’aime pas. Je ne sais pas vraiment ce que j’espérais, sans doute plus de calme vu que c’était la basse saison… j’ose à peine imaginer ce que ça donne en plein été. J’ai quand même visité le Mausolée d’Halicarnasse (autre septième merveille du monde dont il ne reste quasiment rien) et le château.
Malheureusement, comme tout coin un peu touristique de la Méditerranée, ça construit à tout va sur cette presqu’île ce qui enlève son charme. A éviter à moins qu’on apprécie ça…
Sarigerme
Pour la suite, j’avais fait le choix d’un grand hôtel all inclusive, ambiance balnéaire pour souffler quelques jours et surtout pour voir à quoi ça ressemble. Si j’ai vraiment beaucoup apprécié laisser mon porte-monnaie et ne pas devoir se préoccuper de trouver un restautant pendant quelques jours - on ne se rend pas compte à quel point ça détend -, l’hôtel est une petite ruche employant de très nombreux employés, le tout rythmé par les repas. C’est très bien organisé, mais pas trop ma tasse de thé. N’y restant que deux jours, j’en ai profité pour faire une petite excursion sur la presqu’île de Marmaris.
Je regrette de ne pas avoir séjourné dans l’un des petits villages qui s’y trouvent. La ville de Marmaris est sans grand charme, mais les autres petits villages que j’ai vus semblent assez préservés. La presqu’île est beaucoup - mais alors beaucoup - plus calme que celle de Bodrum et assez sauvage. A noter que contrairement à la presqu’île de Bodrum, celle de Marmaris n’a pas ou très peu de plages. On accède à la mer par des pontons. Ceci explique-t-il peut-être cela. Elle m’a en tout cas nettement plus convaincu que Bodrum
Fethiye
Fethiye m’est apparue plus calme que Bodrum. On perçoit néanmoins que la ville est taillée pour accueillir les touristes en été avec des zones pédestres bien larges et quantités de cafés aux concepts occidentaux et turcs qui semblent un peu déserts en fin de saison. Depuis mon hôtel, j’avais une superbe vue sur la baie ce qui rendait l’expérience très charmante, mais privilégiée. Depuis la ville, on peut rayonner dans la région, notamment:
Les gorges de Saklikent très sympas. Il s’agit d’un canyon dans lequel on peut se promener moyennant quelques lires turques.
❤️ Une petite excursion dans la ville de Kas. La route côtière est sublimissime, je n’avais jamais vu de plus beaux paysages en voiture. Un coup de coeur. Kas est aussi assez sympa, ça ressemble un peu à Yvoire, mais très en pente, car nichée à flanc de falaises. Galère en voiture…
On peut s’arrêter à Xanthos, ville grecque dont il reste quelques ruines, mais on peut tout à fait s’en passer, il ne reste qu’un amphithéâtre pour ainsi dire.
La plage de Patara est, il me semble, la plus belle de la région. Seul hic, il faut payer 15 euros pour y accéder parce qu’elle fait partie d’un site archéologique qu’on peut visiter. La plage se caractérise par sa longueur ce qui signifie suffisamment de places pour tout le monde. Je le précise, parce que c’est loin d’être évident ailleurs. De manière générale, j’imaginais plus de plages en accès libre. Elles existent dans certaines régions, par exemple vers Selçuk, mais ailleurs, j’ai souvent été confronté à des espaces privatisés. On ne doit pas forcément payer beaucoup, genre 10TL (env. 25cts), mais ce n’est pas tout à fait ce dont on a l’habitude en Europe.
Enfin, si on est un peu motivé, on peut faire un saut à Antalya. La ville a une envergure plus imposante que Fethiye, Marmaris, Bodrum ou encore Selçuk. De nombreux hôtels longent les plages assez longues de la côte. La porte d’Hadrien est massive et ouvre la voie à la vieille ville. Le musée d’archéologique expose de très belles statues de toute la région remarquablement conservées.
Pour bien réussir son séjour
les portions dans les restaurants sont en principe très généreuses (parfois même trop)
Google Maps est très fiable pour vous orienter, attention toutefois dans les centres historiques où les rues sont étroites et parfois très fréquentées. Si vous n’êtes pas à l’aise avec les manoeuvres, ça peut être compliqué
la circulation dans le pays suit le standard européen. On roule la plupart du temps sur des deux voies, entrecoupées de U-turn, faux rond-points, feux et mêmes passages piétons. Attention quand même à bien respecter les limitations pour éviter les accidents, à 80km/h ça ne pardonne pas
J’ai eu plusieurs contrôles de police mais en général ils n’embêtent pas les touristes (assez standard apparemment)
Les grands hôtels avaient tous une excellente offre WIFI gratuite. Attention toutefois à bien vous couvrir avec un VPN
Les visites touristiques sont assez chères, j’ai trouvé, mais les restaurants relativement abordables. On peut manger un kebab avec boisson comprise pour 5fr dans une petite gargotte. Les restaurants sont plus onéreux, compter 20chf pour un beau repas (par exemple poisson grillé) mais on s’en sort aussi pour 10chf si on prend des mets moins nobles.
On trouve des toilettes publiques dans presque toutes les villes à la propreté … qu’on peut attendre de toilettes publiques. En principe payant, genre 10TL (25cts)
L’anglais est généralement bien maîtrisé par les Turcs
Toutes mes réservations ont très bien fonctionné, aucun couac organisationnel. La Turquie m’a semblé très fiable de ce point de vue.
Au niveau de la sécurité, jamais je ne me suis senti en danger. Bon, je suis un homme et je passe logiquement pour un indigène. Peut-être que l’expérience est différente pour les gringos.
Dans toutes les villes, on trouvera des chats et chiens errants. Ils sont remarquablement calmes.
J’ai autant payé par carte que cash, mais je recommande très fortement de toujours avoir suffisamment de cash, notamment pour les pourboires, les petites gargottes ou achats dans les marchés.
Les retraits aux bancomats sont souvent soumis à des frais de gestion, parfois jusqu’à 10% de la somme retirée. Mais tous ne le sont pas, c’est un peu la loterie.
il faisait encore très chaud fin septembre (env. 30°, ressenti 33-34°)
aux stations service, il faut attendre qu’on vienne vous faire le plein. On laissera un pourboire à la personne comme remerciement
Attention pour les pourboires, vous lirez peut-être sur internet que 5-10 lires suffisent, mais l’inflation a explosé dans le pays. Aujourd’hui, 5-10 lires ne valent plus rien et donner cette somme est presqu’insultant. Il faut plutôt convertir l’équivalent de 1 euro en lires. Donc env. 40 lires. Plus si le service est exceptionnel. Au restaurant, on compte 10% de la note, ou 15% si le service se distingue.
Les parkings dans les petites villes ne sont pas à l’occidentale. Il peut s’agir d’un petit lot de terrain avec un gardien. J’ai dû une fois laisser ma clé, mais je me sentais tellement mal à l’aise, n’ayant aucune quittance ni ticket que je suis vite revenu la parquer ailleurs. ça marche assez bien mais ça peut vite douiller, surtout si vous laissez la voiture une nuit complète. Mieux vaut un hôtel avec parking.
Les coups de 😍
Les paysages sont sublimes. Plus verts qu’on l’anticipe, plus vallonés aussi.
Le charme incontestable de la Méditerranée
Les vestiques antiques (très nombreux), en particulier Ephese
Le soleil
Un style de vie easy-going. On n’est jamais mal reçu, les rapports sont assez simples
Les prix en général assez abordables
Tout fonctionne très bien. Wifi, 5G, cartes de crédit, voiture, etc.
La qualité des aliments. Les tomates ont le goût de tomates, par exemple.
Le modèle de vacances “road trip”
Les déceptions
On sent que la région est très touristique. Il faut y aller hors saison, sinon je pense que c’est l’enfer
Certaines régions en voie d’hyperbétonisation
les plages que j’imaginais à la fois plus nombreuses et plus accessibles, mais peut-être que qqch m’a échappé.
Une gastronomie qui donne parfois l’impression de tourner en rond
Les Kebabs que j’ai trouvés assez décevants dans l’ensemble. Les meilleurs que j’ai mangés restent ceux d’Istanbul
Les bords de route très pollués
Conclusion
Si je retourne un jour dans le coin, j’irai dans un petit village de la presqu’île de Marmaris, dans lequel on peut vraiment goûter à la tranquilité et dolce vita turque. Enfin, je pense que la plus belle expérience, que je ne connaissais pas avant de partir, consiste à faire une croisière de plusieurs jours en Gület, sorte de voilier plus ou moins grand, qui nous conduit de crique en crique tout au long de la côte. Attention à ne pas se retrouver avec un groupe de touristes lourdingues… faut pouvoir partir avec des personnes connues ou privatiser le bateau.