#152 - la pop culture est un écosystème you can't escape
Je date l’affaire à décembre 2022. C’est à partir de ce moment que j’ai basculé dans un nouveau mode de consommation. Depuis trois mois, j’ai remarqué qu’il y avait toujours une série dans le pipeline. Avant, j’avais des temps morts, soit dans l’attente d’une nouvelle production, soit pour une nouvelle saison. Ce n’est plus le cas.
C’est à ce point que je me demande si je ne vais pas abandonner mon abonnement TV. Je ne la regarde plus vraiment à part Koh Lanta et Top Chef (no comment) et bon… après X saisons, on a compris le concept. Quant aux émissions d’actus, genre C dans l’air, je trouve leur podcast assez bien foutu.
Question donc: est-ce que le moment tant attendu de la fin de la TV est arrivé?
On dirait bien.
Ma page d’accueil youtube ne m’aide pas. L’algo me soumet régulièrement des trailers (films et séries) qui me permettent d’identifier les prochaines pépites à ne pas manquer. Quand ce n’est pas Youtube, c’est les magazines ou les amis. Je n’oublie pas les réseaux sociaux où on voit tout d’un coup une image avec sous-titre. On sait alors que la scène vient d’une production audiovisuelle. Parfois, elle nous interpelle.
Sans oublier les GIFs… Ah et puis il y a aussi les types qui débriefent les derniers épisodes. On n’est pas toujours d’accord mais ça permet de comparer les ressentis
Parfois c’est la musique qui nous fait du pied. La BO de White Lotus est devenu un hit à elle seule. Elle nous replonge dans l’univers rien qu’en l’écoutant. En ce moment, elle fait fureur dans les clubs…
Bref, on n’y échappe pas. Ou difficilement.
***
Les nouveaux médias l’ont compris
Désormais, de nouveaux médias orientés Gen Z tapent dans les fandoms sur certains de leurs comptes de réseaux sociaux. ça leur permet de croître leur audience en ciblant des publics liés aux séries concernées. ça créée des affinités de proximité: “ah ils postent sur la série Andor, ça doit être des gens bien qui méritent mon intérêt puisque j’aime moi aussi cette série”. Souvent, c’est plus subtile que ça. Le média publie un MEME auquel on s’identifie parce qu’on a regardé la série. Ce MEME nous replonge dans l’univers dans un mélange de plaisir et de nostalgie. Concrètement, on a rien lu ou vu de ce nouveau média, mais le fait qu’ils publient sur des séries que j’aime bien, est un pied dans la porte. Ils sont entrés dans mon univers.
C’est la stratégie décrite dans un billet récent d’Embedded qui interview la créatrice d’un media jeune
. Il s’agit d’un média Gen Z de Nouvelle Zélande avec un modèle un peu différent. Les créateurs de ce médias sont partis du constat qu’ils n’y comprenaient rien aux médias “sérieux” et qu’il y avait donc un espace pour vulgariser les news. Exemple récent que j'ai trouvé intéressant: ils nous parlent d'un mot "permacrisis" là où au même moment, les médais traditionnaux nous parlent de "polycrises". Je m'identifie beaucoup plus au concept de permacrisis que polycrises, même si c'est juste aussi.Le média a plutôt bien pris, avec des présences sur les principaux réseaux et une newsletter Substack. La newsletter forme l’épicentre, le lieu où sont produites les news, tandis que les présences sur les réseaux constituent une constellation qualifiée de shitposting pour Twitter et TikTok pour taper dans ces fameux fandoms. Ma compréhension du truc, c’est que quand on fait un article sur White Lotus, on le publie sur la newsletter et on fait du shitposting sur les réseaux sur Aubrey Plaza ou la Sicile (nldr. il s’agit d’une actrice qui joue dans la série dont la saison 2 se déroule en Sicile). ça me paraît assez habile, il ne faut surtout pas sous-estimer le pouvoir d’un shitposting bien senti.
L’une des fondatrices décrit sa manière de travailler:
So when I wake up, I just consume a lot. A lot of that is from the audience. So I read a lot of emails from people saying, "This is happening here" or "This is a TikTok you should write about" or "Have you seen this?"
It's an hour of just trusting my gut and reading the responses from the audience to be like, “What are people gonna care about today and what's interesting and what's gonna not make us all feel like shit?” All these internal check boxes. “What's a good mundane poll? What have I been questioning lately?” And so usually by 7:00 a.m. I like to have it written, edited, and sent.
On apprend généralement que le premier truc que fait un journaliste, c’est de lire la presse pour voir si le média pour lequel il travaille est passé à côté d’un sujet. Dans la méthode décrite ci-dessous, toute une partie de leur production se fait à partir des retours de la communauté. Vient ensuite un travail éditorial et de curation résumée dans le titre: voici ce que vous devez retenir (traduction libre 😅). Ces échanges me semblent moins évidents pour un média traditionnel qui aura plutôt tendance à regarder ce qui se dit sur Twitter…
Aujourd’hui, le modèle en vogue sur Substack, c’est ce travail de curation. Un modèle qui n’a pas d’avenir si l’on en croit les avancées de ChatGPT. Néanmoins, contrairement à un média traditionnel, il y a une bonne dose communautaire. Il ne s’agit pas que de délivrer des infos, mais aussi de tonalité qui me fait sentir d’une certaine manière (qui fait que je reviens). Une sorte de relation et d’affinité qui se crée au quotidien, et qui suppose un contact régulier (aka des posts quotidiens)
***
Cocooning
Ces univers de la pop culture deviennent de plus en plus omniprésents. Ils se déclinent sous différents formats et nous invitent à fuir le réel trop difficile à affronter. Covid, Guerres, Réchauffement planétaire ou problèmes du quotidien... ces productions nous offrent un safe space, une espèce de cocon dans lesquels on se réfugie. C’est une forme de déni de la réalité qu’explique très bien Vincent Cocquebert dans La Civilisation du cocon.
J’ai adoré cette lecture qui décrit un mouvement finalement assez ancien de repli sur soi. Ce mouvement - l’auteur ne fait pas le lien - me semble être l’aboutissement des bulles provoquées par les réseaux sociaux. On sait depuis longtemps que s’abreuver aux mêmes sources d’informations, dans un entre-soi, renforce une vision du monde bien personnelle, qualifiée de bulle. Ces bulles atteignent leur paroxysme quand on se plonge dans des univers imaginaires qui nous plaisent.
In fine, mon opinion sur la question, c’est que nos usages d’internet se retranscrivent dans la vie réelle. Nous sommes de moins en moins armés à nous frotter à l’altérité, parce qu’Internet nous pousse naturellement à retrouver des personnes qui pensent comme nous, qui vivent comme nous et qui ont la même vision du monde. Avec une conséquence bien tangible: la baisse de la tolérance.
—
Wrapping up
💌 Une version en ligne de mes billets se trouve sur mon blog.
—
Love ❤️,
-E